Loi Lemoine : deux mesures aux effets opposés sur le marché des assurances de prêt

Quel bilan provisoire pour la loi Lemoine ?Depuis quelques mois, la loi Lemoine a modifié le secteur de l’assurance emprunteur en mettant en œuvre deux mesures fortes, à savoir la résiliation infra-annuelle et la suppression du questionnaire médical pour certains contrats.

Cette dernière mesure ne faisait pas partie du texte initial et tend à s’opposer à l’effet recherché par la résiliation sans frais à tout moment du contrat d’assurance de prêt.

Les conséquences de ces deux dispositions ne vont pas dans le même sens et rendent ainsi difficile le fait de dresser un premier bilan de la loi Lemoine.

La résiliation infra-annuelle, moteur d’une baisse des tarifs

La résiliation infra-annuelle signifie que les emprunteurs peuvent résilier à tout moment et sans frais leur assurance de prêt. Ils ne doivent plus attendre la date d’échéance du contrat et respecter un délai de résiliation.

Toutefois son utilisation reste encadrée puisqu’elle doit se faire dans le cadre de la délégation d’assurance. En effet, bien que la souscription d’une assurance de prêt n’est pas obligatoire pour obtenir un crédit immobilier, il s’agit d’une condition systématiquement posée par les banques. La loi Lagarde a mis en lace le mécanisme de la délégation d’assurance qui permet de changer d’assurance de prêt en cours de remboursement du crédit à la condition que le nouveau contrat respecte le principe d’équivalence des garanties.

Ainsi, la résiliation infra-annuelle ne peut donc intervenir qu’en cas de souscription d’un nouveau contrat d’assurance de prêt présentent des garanties équivalentes (ou supérieures) au précédent contrat. C’est un des éléments à vérifier avant de résilier son assurance emprunteur.

L’intérêt de cette mesure est de permettre aux emprunteurs d’utiliser plus facilement le mécanisme de la délégation d’assurance et ainsi de faire jouer la concurrence entre les assureurs. Les organismes d’assurance qui proposent des contrats individuels d’assurance emprunteur ont généralement des tarifs plus concurrentiels que les assurances avec lesquelles travaillent les banques. Ces dernières vont devoir revoir leurs tarifs et s’aligner sur la concurrence pour pouvoir garder le maximum d’assurés.

Cette mesure pourrait donc favoriser le développement de ces assureurs alternatifs et faire baisser le montant des cotisations des assurances de prêt.

La suppression du questionnaire de santé, un frein à la baisse des cotisations

La suppression du questionnaire de santé a été ajoutée à la loi Lemoine par les sénateurs (qui avaient d’ailleurs supprimé la résiliation infra-annuelle). Elle concerne les contrats d’assurance portant sur des crédits remplissant les conditions suivantes :

  • le montant emprunté est égal ou inférieur à 200 000 euros (avec une quotité 50-50, deux co-emprunteurs peuvent en bénéficier sur un crédit total de 400 000 euros) ;
  • l’ensemble du montant emprunté doit être remboursé avant l’âge de 60 ans.

Le principe des assurances est de mutualiser le risque sur l’ensemble de leurs assurés. Or en supprimant le questionnaire de santé sur ces contrats, le législateur prive les assureurs d’une variable d’ajustement qui leur permettait d’appliquer une surprime ou des exclusions de garanties aux profils les plus à risques sans pénaliser les autres assurés.

Cette mesure n’aura pas la même incidence pour les bancassurances qui peuvent s’appuyer sur une base plus grande d’assurés et ainsi réduire le risque pris. Au contraire, les assurances déléguées n’ont pas une base d’assurés aussi solide et se retrouvent donc face à une prise de risques plus grande. Il est donc fort probable qu’elles soient amenées à augmenter leurs tarifs pour les contrats visés par la suppression du questionnaire de santé.

Ainsi, la baisse des tarifs et l’ouverture à la concurrence recherchées par la résiliation à tout moment sans frais sont compromises, pour les contrats concernés, par la suppression du questionnaire de santé. Ce sont surtout les primo-accédants de moins de 40 ans qui sont concernés car ce sont eux qui sont le plus susceptibles de demander un crédit de 200 000 euros avec un délai de remboursement de 20 ans maximum.

Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan de cette nouvelle loi. Mais il est certain que la baisse des cotisations tant attendue ne concernera pas l’ensemble des contrats d’assurance de prêt, les assureurs alternatifs devant faire face à une prise de risques accrue pour les petits emprunts.

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